mardi

Intro : Mon nom est Personne

Mon nom est Personne, rien de glorieux…

Mon prénom, Paule, pas très glamour non plus (j'aurais préféré Kate, mais bon…), je le dois à l’esprit généreux et court de mes parents. Mais j’excuse leur manque d’anticipation, issus de familles extrêmement modestes du sud de la France, ils ont tout de même su trouver un avenir dans La grande roue de la vie, un jeu pour tous avec des règles de Monopoly. Mon père est un spécialiste canin en fin de carrière, et ma mère était conseillère en B.J.E.Z.P.N. (Bibliothèque Jeunes Enfants Zone Prioritaire Nord), j’ai appris le sigle par cœur pour remplir les fiches de rentrée à l’école, mais je n’en sais pas plus que vous. Je m’en fous, de sa carrière, je ne retiens que la chute : la bibliothèque du quartier a été privatisée, six personnes à la rue, ça n’a pas défrayé la chronique...

Lorsque je suis née, mes parents étaient déjà bien âgés, ils ont mis du temps avant de fusionner… Déduction simpliste, on pourrait plutôt féliciter ma mère d'avoir su tirer profit de l'époque soixanthuitarde pour jouir d'une émancipation et d'un droit à la contraception. Ne nous attardons pas sur ce chapitre, le tout est de savoir si j'étais attendue ou non...

Mon père vote communiste et se passionne pour l’histoire, surtout celle de Napoléon Bonaparte. Cherchez le lien… Moi j’ai renoncé. Je me contente de penser que mon père est victime d’un excédent d’informations. Ma mère doit son alliance à son ragoût, inégalable. Il lui a également valu la médaille du meilleur plat cuisiné à la fête de Saint-Padou, et, devenant fierté maternelle, a fait de Noël une fête joviale qui a transformé ce jour chrétien en une foi commune : un bon ragoût mérite bien des discussions futiles. Enfin, pour résumer (et ne plus y revenir), mes parents sont des citoyens sans objectif, pions jetés l’un sur l’autre dans un repère XY : en ordonnance la tune, en abscisse le temps.


Ma famille… une belle histoire avec la vie… Dommage que Victor Hugo ne soit plus des nôtres. Heureusement, de nos jours, il existe des alternatives hebdomadaires ou internautes très instructives sur notre époque, et même s’ils n’abordent pas les sujets en profondeur, il y a beaucoup plus d'auteurs en herbe que de Victor Hugo et chacun y retrouve son profil. Ma mère en sait quelque chose, ça fait deux ans qu’elle écrit au magasine Famille pour qu’ils viennent faire un reportage sur sa progéniture.

Et moi, je suis belle, enfin… surtout belle et bien des leurs.

Je vais quand même finir les présentations en parlant un peu de moi.

Je suis une personne normale, sans rien d'extraordinaire. Je regarde le monde et lui ne me regarde jamais.

Quand on est enfant, on rêve de changer le monde, quand on est adulte, on rêve de changer de monde.

J’ai compris lors de ma première fugue à douze ans les deux bases de la société : nul n’est censé ignorer la loi, et, la liberté de l’un s’arrête là où commence celle des autres. La liberté c’est un peu le graal humain, on en parle mais personne ne l’a jamais détenu, à moins qu’on puisse l’acheter de nos jours ? Quant à la loi, il faut d’abord payer un avocat pour en comprendre les textes.

A la même période, j’ai essayé de me suicider, en essayant de m’étouffer avec mon oreiller. C’est mon frère qui m’a sauvé la vie : il a bêtement soulevé l’arme du crime, en me demandant :

"C’est toi qu’as tiré ma gameboy ?"

Je n'ai jamais retenté la chose depuis, j'ai entendu qu'en 2001 ce serait la fin du monde, alors j'ai attendu en me disant que ce serait con de louper un tel moment historique.

J’ai grandi en hallucinant sur les aberrations de la planète. Je regardais le système tourner en me prenant pour une extra-terrestre. J’étais persuadée que pour faire marcher une telle fourmilière, il fallait une reine, et une bien schizo.

Maintenant j’ai conscience de participer au système malgré moi, vouée corps et âme à un horloger invisible ou à une machine qui se fortifie chaque jour si bien qu’il devient de plus en plus difficile d’en changer les rouages sans tomber dedans.

Il doit bien exister un type pour commander la machine, et une télécommande de contrôle binaire genre on / off, ou binaire comme la TNT. Sinon on m'a menti et on trouve bien un diplôme maître du monde. Il existe des humains comme ça, à la naissance on leur demande de cocher une case "tu veux faire quoi plus tard ? Roi du pétrole ? Roi du Monopoly ?… Mais attention garde ton argent de poche pour te faire des amis".

Allez venons-en aux faits. J'ai décidé de mettre mon journal en ligne, parce que je ne suis pas Anne Frank et qu'il y a très peu de chances pour qu'on le découvre après ma mort. Il n'aura aucun impact historique (d'ailleurs je n'aimerais pas être historien dans l'avenir, tellement les sources et les subjectivités se multiplient…) mais comme j'ai un symptôme hypra moderne, l'angoisse de disparaître en même temps que l'espèce humaine, je laisse une petite trace pour les archives de la future Planète des Singes*.

*La planète des Singes de Pierre Boulle ou voir le film de F.J. Schaffner


Assez parlé, je balance la thèse, enfin, le pitch, et à chacun de juger :

Pourquoi l'homme est-il un loup pour l'homme, et pour la femme en particulier ?

De la création à la création*, voici mon journal intime plus très intime, version libre, conversation sentimentale et imagée autour de la question.

*Nancy Huston a lié les deux homonymes dans Journal de la création…



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